La didactique des Apprentissages Fondamentaux, croisement entre jeu et curriculum
Chair(s): Sylvie Richard (Haute école pédagogique du Valais, Suisse)
Diskutant:in(nen): Anne Clerc-Georgy (Haute école pédagogiques du canton de Vaud), Anne Clerc-Georgy (Haute école pédagogiques du canton de Vaud), Anne Clerc-Georgy (Haute école pédagogiques du canton de Vaud)
Enseigner, au cycle 1, nécessite de penser à une approche pédagogique qui prenne en compte à la fois les transitions que l’enfant doit vivre pour s’approprier les savoirs prescrits par l’école au rythme imposé par elle et les besoins développementaux inhérents à cette tranche d’âge (p.ex. besoin de bouger, de manipuler, d’expérimenter etc.) (Clerc-Georgy & Duval, 2020; Pramling et al., 2019; Truffer-Moreau, 2020). Dans le cadre de ce symposium, les trois contributions ont pour but de présenter des recherches qui visent à rendre visible différentes manières d’articuler la prise en compte des expériences et initiatives des enfants (par le biais du jeu de faire semblant) et des temps d’enseignement/apprentissage plus structurés/dirigés par l’enseignant.e, et ce afin de développer des savoirs fondamentaux et des savoirs issus de disciplines scolaires. La première contribution vise à présenter les effets d’un programme centré sur le développement du jeu de faire semblant et des compétences socio-émotionnelles en 2ème année Harmos sur le jeu et des savoirs socio-émotionnels. La seconde contribution a pour but de documenter les conditions favorables à l’engagement et au maintien du dialogue constant entre la perspective et le programme de l’enfant avec la perspective et le programme scolaire et comment ces conditions s’actualisent dans une classe de 1-2H. La troisième contribution présentera un modèle issu du design et des médias adapté à la didactique des apprentissages fondamentaux pour l’enseignement de l’éducation numérique dans les premiers degrés de la scolarité.
Beiträge des Symposiums
Enseigner des savoirs socio-émotionnels en contexte de jeu de faire semblant avec des enfants de 5-6 ans : entre enseignement structuré/dirigé et jeu à l’initiative des enfants
Sylvie Richard
HEP-VS
La réussite scolaire et éducative de l’enfant est liée à l’approche pédagogique mise en œuvre au cours des premières années d’école. Une approche essentiellement scolarisante, qui valorise une instruction principalement dirigée par l’enseignant.e comprenant peu de temps accordé aux expériences et initiatives des élèves (dont la possibilité de jouer) ne renforcerait pas à long terme la réussite de l’enfant. Dès lors, comment favoriser les apprentissages disciplinaires et fondamentaux des enfants qui débutent leur scolarité tout en évitant de s’inscrire exclusivement dans une approche primarisante ? Différents chercheurs se sont penchés sur cette question et proposent des approches pédagogiques qui tentent de faire cohabiter « enseignement traditionnel disciplinaire » et « approche développementale » mettant l’accent sur l’importance de faire usage du jeu pour soutenir les apprentissages (Clerc-Georgy & Duval, 2020; Fleer, 2017).
Dans le cadre de nos recherches, nous nous inscrivons dans cette « troisième voie » qui tente de « concilier » les deux approches. L’objectif de notre communication est de présenter une approche pédagogique qui prend en compte le besoin de jouer des jeunes enfants, mais également la nécessité d’intégrer à ces temps de jeu des moments d’enseignement plus structurés et dirigés par l’enseignant.e sur des savoirs socio-émotionnels. Le programme développé dans le cadre de ces recherches a été implémenté dans les écoles à raison d’environ une heure par semaine pendant onze semaines. Chaque séance comprend un temps d’enseignement/apprentissage structuré avec les élèves et l’enseignant portant sur certaines composantes des compétences socio-émotionnelles ciblées (p.ex., reconnaissance des émotions de base) suivies systématiquement par un moment de jeu de faire semblant. Le jeu de faire semblant fait l’objet d’un étayage progressif. Au cours des premières séances, certains aspects du jeu de faire semblant sont travaillés, comme le mime d’émotions, puis d’autres aspects sont graduellement introduits (plus de temps alloué au jeu, augmentation du nombre de partenaires de jeu, complexification des scénarios de jeu centrés sur les éléments travaillés durant les moments structurés, etc.) (Richard et al., 2021, 2023). Ce programme est partiellement adapté des travaux de (Landry, 2014). Les effets générés par nos interventions dans les écoles sur certaines compétences socio-émotionnelles seront également présentés et discutés.
Croiser la perspective et le programme de l’enfant avec la perspective et le programme scolaire : quelle mise en œuvre possible dans une classe de 1-2H ?
Anne Paccolat, Valérie Michelet, Catherine Tobola-Couchepin
HEP-VS
Entrer à l’école demande à l’enfant de s’approprier un mode de fonctionnement spécifique au contexte scolaire et à ses règles. Accompagner l’enfant dans les différentes transitions qu’il doit y vivre exige ainsi une attention toute particulière.
Durant le premier cycle de l’école obligatoire, l’enfant de 4-5 ans apprend selon son propre programme qui se réfère à ses centres d’intérêts et au rythme d’apprentissage qui lui est propre. Enseigner, au cycle 1, demande de penser les conditions qui soutiennent les transitions que l’enfant doit vivre pour s’approprier les savoirs prescrits par l’école au rythme imposé par elle. Afin d’engager et de maintenir un dialogue constant entre le programme des enfants, rendu visible dans les activités qu’ils initient, et celui de l’enseignant-e, qui se rattache au plan d’étude officiel en vigueur, les moments d’observation sont primordiaux.
Accéder à la perspective des enfants demande de mettre en place un dispositif pédagogique favorisant les situations d’observation qui donnent accès à cette dernière tout en engageant et maintenant un dialogue constant avec la perspective de l’enseignant. La structure pédagogique qui soutient les transitions (Truffer Moreau, 2020) permet de mettre en place ces conditions favorables.
Dans notre contribution, nous nous intéressons à la mise en œuvre d’un tel dispositif. Nous questionnons comment les conditions favorables à l’engagement et au maintien du dialogue constant entre la perspective et le programme de l’enfant avec la perspective et le programme scolaire peuvent concrètement s’actualiser dans une classe.
Voici les trois questions que nous abordons dans cette contribution :
- Comment engager et maintenir la motivation des élèves à s’approprier les savoirs scolaires en 1-2H ?
- Quelles sont les situations d’observation qui permettent de rendre compte des progressions des élèves ?
- Quels critères président à la sélection des objets d'apprentissage prioritairement soutenus dans les UCoAIES ?
Pour répondre à nos questions, nous proposons une analyse de cas dans une classe d’une enseignante de 1-2 HarmoS qui observe et prend en compte le programme des enfants et leur perspective relative aux savoirs en co-construisant avec eux des unités d’enseignement UCoAIEs (Unité Co-Construite à partir d’une Activité Initiée par les Enfants) (Michelet, Tobola Couchepin, Paccolat, 2022). Dans un journal de bord, que nous avons co-construit avec elle, cette enseignante a consigné durant 18 mois des traces de ses observations, de ses interventions et du développement des activités des enfants de la classe en mobilisant les différentes composantes de la structure pédagogique.
A partir de ce document, nous pouvons montrer comment s’articule la perspective et le programme des enfants avec la perspective et le programme scolaire en identifiant plus particulièrement :
- Les objets d’apprentissage observés
- Les situations propices aux observations
- Les moments charnières porteurs d’apprentissage.
Adaptation didactique d’un modèle de conception des objets numériques : le double-diamant au carrefour des apprentissages fondamentaux et l’éducation numérique
Gabriel Kappeler1, Jérémie Passeraub1, Laurent Bolli2, Yoann Douillet2, Daniel Rappo2
1HEP-VD, 2HEIG-VD
Depuis 2021, l'éducation numérique est un nouveau domaine obligatoire dans l'enseignement des premiers degrés en Suisse francophone, englobant les médias, la science informatique et l'utilisation du numérique. Auparavant considéré comme un complément aux autres disciplines, son enseignement rencontre certaines réticences de la part des enseignantes. Cependant, les compétences numériques des enfants se développent tôt, souvent stimulées par l'environnement familial et l'accès à des technologies telles que smartphones, tablettes et ressources en ligne, ce qui met en lumière un écart entre l'expérience numérique personnelle des enfants et son intégration à l'école (Chaudron et al., 2015; Vaiopoulou et al., 2021). Les études d'Edwards et al. (2020) et Thorpe et al. (2015) révèlent un retard dans l'adoption des outils numériques en milieu du préscolaire. Ce décalage invite à réfléchir à l'usage du "jeu convergent" (Edwards, 2013), qui associe le jeu traditionnel et le numérique, pour enrichir l'apprentissage et la simulation de l’usage du numérique. L'intégration d'outils numériques au matériel conventionnel permet aux enfants d'adapter leur jeu de faire semblant à la réalité contemporaine (Arnott, 2016).
Au sein d'une recherche-formation menée par la HEP-VD et la HEIG-VD du canton de Vaud, nous avons collaboré avec cinq enseignantes du cycle 1 motivées à promouvoir l'apprentissage des sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STEM) dans le jeu à l’initiative des d’élèves. Inspirés des travaux de Fleer (2018, 2019) sur les pop-up dans le conceptual playworlds et ceux de Vogt et al. (2020) sur “wir spielen Zukunft”, notre recherche a permis d'adapter une approche d'ingénierie pédagogique en un modèle opérationnel adapté à la didactique des apprentissages fondamentaux. Cette présentation discutera des défis et des perspectives didactiques d'une telle démarche. L'atout du modèle réside dans sa capacité à reconnaître les acquis préexistants des élèves, permettant de fixer des objectifs d'enseignement conformes au Plan d'études romand (PER), tout en répondant aux besoins et à la progression des jeunes apprenants.